Xavier Horent (CNPA) : « Arrêter d'accabler le secteur auto de taxes »
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Xavier Horent (CNPA) : « Arrêter d'accabler le secteur auto de taxes »

Le secteur automobile clôture une année 2020 qui sera sans doute l'une des plus marquantes de son histoire. Xavier Horent, délégué général du CNPA, revient pour L'argus sur l'impact de la pandémie dans la filière, mais également sur sa résilience.

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Xavier Horent, délégué général du CNPA

L'argus. Quel regard portez-vous sur 2020* ?
Xavier Horent. Cette année hors norme a signé le grand retour de la mobilité dans le débat public. Il s’agit peut-être d’un raisonnement par l’absurde, mais nous nous sommes tous aperçus que dès que la société devient immobile, il n’y a pas de commerce, pas de croissance, pas de vie. La mobilité individuelle est bel et bien primordiale et nous avons vu alors combien elle irrigue complètement la société et notre économie. Je souligne aussi la stupéfiante capacité de résistance de la filière automobile : ces derniers mois ont été très compliqués, tous ses secteurs ont été touchés quasiment en même temps, mais malgré ce choc historique, nos métiers ont réussi à transcender ces difficultés et à rester débout au cours d’une année absolument sidérante.

L'argus. Si vous deviez donner un chiffre à retenir, lequel serait-ce ?
XH. 30 %. Pour 2020, nous estimons que l’impact global de la baisse du chiffre d’affaires de la filière automobile en France, tous secteurs confondus, a été de 30 %. Nous avons limité le plus possible la casse, car le dispositif d’aides mis en place par le gouvernement a permis à notre branche d’être au premier rang pour le PGE, le chômage partiel et le fonds de solidarité. L’automobile a été soutenue certes, mais cela montre aussi la fragilité du secteur.

« La situation des loueurs de courte durée reste la plus compliquée d’entre toutes »

L'argus. Quelles branches métiers ont été les plus en difficulté ?
XH. La situation des loueurs de courte durée reste la plus compliquée d’entre toutes, car l’activité est dépendante des flux de voyages d’affaires ou de tourisme, des aéroports, des gares... Les auto-écoles font également partie des branches les plus durablement impactées. Depuis mars, elles ont du mal à sortir la tête de l’eau, alors que les concessionnaires ont pu rouvrir et bénéficier d’un plan de relance, par exemple.

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Xavier Horent, délégué général du CNPA

L'argus. Avez-vous le sentiment que le gouvernement a soutenu le secteur dans sa globalité ?
XH. L’appui du gouvernement est ambivalent. D’un côté, le soutien est réel, en lien avec la mise en place d’un plan de relance très tôt par rapport aux autres secteurs. Mais de l’autre, l’État augmente les taxes, met en place des zones à faibles émissions (ZFE) et rajoute encore des taxes. À un moment, il faut choisir. Et choisir, c’est privilégier la croissance et la transformation. Il faut donc faire confiance au secteur et arrêter de l’accabler de contraintes et de taxes.

L'argus. Vous avez poussé un coup de gueule dans nos colonnes sur le matraquage fiscal. Qu’est-ce que cela traduit selon vous ?
XH. Il y a une totale incompréhension et une non-prise en compte correcte de la hauteur de la transformation qu’il faut amorcer. L’auto sert un peu trop souvent de bouc-émissaire. Sa réussite dépend de la réussite de la transformation écologique. Changeons de matrice. Dans le gouvernement, il y a deux courants : les autophiles et ceux qui paraissent autophobes. Il est nécessaire aujourd’hui, pour 2021 et les prochaines années, d’avoir une seule et même stratégie, claire, stable, lisible, comme nous le proposons avec la PFA.

« On nous présente le malus au poids comme une taxe ne concernant que 3 % des voitures»


L'argus. Quel est le point le plus regrettable sur tous ces sujets ?
XH. Le malus au poids, sans hésiter. On nous le présente comme une taxe ne concernant que 3 % des voitures. Oui aujourd’hui, mais demain ? Il s’agit surtout d’un nouvel outil fiscal tombé entre les mains du gouvernement, qui pourra, comme bon lui semble, le faire varier. Début 2021, le CNPA ne s’interdira donc pas, à son tour, d’utiliser des jokers comme le fait le président de la République. Nous sommes en train d’étudier le cas pour déposer un recours devant le Conseil constitutionnel. En revanche, ce que je salue, c’est le plan de relance, qui a permis de redonner un coup de fouet à l’automobile. Mais les choses ne sont pas réglées pour autant. Mon credo est toujours de dire qu’il faut aller plus loin qu’une loi de finance.

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La France entend se doter de 100 000 bornes de recharge pour véhicules électriques au cours de l'année 2021

L'argus. Un mot sur l’électrification ?
XH. Il y a bien eu un moment électrique en 2020, mais le développement du réseau de bornes de recharge est bien en deçà de la croissance du marché en France. Deux questions restent en suspens : l’État sera-t-il capable de maintenir son niveau d’aides actuel sur plusieurs années et comment sera gérée la transition dans nos usines et nos garages, si la valeur ajoutée est moindre pour tous ces métiers encore très dépendants du véhicule thermique ? Au CNPA, nous continuerons de militer sur ce sujet, pour éviter les crispations sociales et qu’il y ait de trop grandes oppositions entre plusieurs France.

« Les effectifs du CNPA ont été mobilisés 7 jours sur 7 »

L'argus. La « maison de l’automobile » est devenue plus visible en cette période de crise. La filière comprend-elle mieux votre rôle ?
XH. Effectivement, nous avons réalisé un volume d’actions bien plus conséquent. Les chiffres en témoignent : nous avons cumulé 100 000 consultations de la part des chefs d’entreprise de mars à novembre, c’est-à-dire des appels entrants traités par nos équipes sur le terrain en région et au siège au niveau national. Ce volume de demandes a triplé par rapport à la même période il y a un an. Il a fallu l’absorber. Les effectifs du CNPA ont été mobilisés 7 jours sur 7. Cela montre aussi l’intérêt d’avoir une organisation à plusieurs niveaux, national et régional, car nous avons pu traiter toutes les questions transversales, de lobbying, de communication et toutes les problématiques survenues en première ligne à un échelon territorial. Une proximité toute aussi importante. La visibilité du CNPA a par conséquent évolué.

L'argus. Qu’en concluez-vous ?

XH. Qu’il y a eu beaucoup d’attente des professionnels en cette période de crise ! Nous avons donc ouvert tous nos canaux de communication et d’information à l’ensemble de la filière dès le premier jour du confinement, car nous avons considéré que la crise était suffisamment importante. Il a fallu être à la hauteur, ne pas faire de distinction et servir la totalité des demandes. Nous avons été au rendez-vous de cette urgence absolue, de cette détresse. Nous avons accueilli 2 000 adhérents supplémentaires en l’espace de six mois cette année, pour ainsi dépasser les 22 000. Si la crise a permis aux professionnels de mieux comprendre à quoi nous servons, c’est tant mieux.

« Nous appréhendons une troisième vague de nature psychologique »


L'argus. Comment anticipez-vous 2021 ?
XH. L’année sera très difficile. La situation pandémique n’est pas maîtrisée, il y a encore trop d’incertitudes. Et s’il n’y a pas de troisième vague épidémique, nous appréhendons une troisième vague de nature psychologique. Tout le monde est atteint et fatigué. Le management humain sera un des points clés de la période à venir. Il y a aussi une tempête économique qui nous attend. Et c’est encore plus flou.

L'argus. Quand estimez-vous une sortie du tunnel pour la filière ?
XH. Difficile de répondre... Avant la crise, le secteur perdait un peu de vitesse, nous nous attendions donc à ce que ce soit difficile. Et la pandémie est arrivée. Nous avons désormais un problème de projection au niveau du marché, des budgets, de l’emploi… Notre lecture n’est qu’à court terme. L’enjeu, maintenant, est d’essayer de renouer avec une stratégie solide pour permettre à la filière de se projeter à moyen et long terme et ainsi privilégier le maintien des effectifs et des compétences, ainsi qu’un mix énergétique équilibré.

*Cet entretien a été réalisé en décembre 2020
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