Peugeot 103 (1971). Au guidon de l'ex-star des lycées pour ses 50 ans
Les plaisirs simples... Rouler en Peugeot 103 rappelle comme il est agréable de ressentir l'insouciance en se déplaçant.
Eric Malherbe/Peugeot Motocycles
Peugeot Motocycles a réuni une quinzaine de ses cyclomoteurs pour cette fête au parfum de madeleine de Proust. Nous avons l’embarras du choix avec ces exemplaires parfaitement roulants, dans leur jus, appartenant à un loueur spécialisé*. Des engins qui ont la cote et se négocient dans les 800 € quand ils sont en bon état. Attention à ne pas les appeler « Mob », car il s’agit du concurrent historique : la Mobylette de Motobécane, devenue le nom générique pour ce type d’engin. Elle vola cette fois la vedette à Piaggio, qui n’a pas réussi à refaire le coup de la Vespa avec son cyclo, le Ciao, tombé dans l'oubli.
Adidas Rod Laver, Levi’s 501, veste de survêt’, bandana, blouson de moto, casque vintage à paillettes… la mode est un éternel recommencement et cela tombe bien : voilà la tenue parfaite pour fêter les 50 ans du Peugeot 103, le cyclomoteur mythique, idolâtré par des générations de lycéens !
Nous choisissons un modèle 103 MVL des années 1980, qui se paye le luxe d’offrir un phare carré, un feu de stop, des jantes à bâtons, un compteur de vitesse (où l’on flirte ici avec un très optimiste 60 km/h) et un klaxon au couinement poussif si caractéristique. Sur la béquille centrale, debout sur les pédales, un doigt sur la gâchette de starter (à gauche), un autre sur celle du décompresseur (à droite) que l’on relâche aux prémices du démarrage, le moteur se lance en deux temps trois mouvements. Un bruit de crécelle caractéristique qu’on avait oublié, pas aussi agaçant que celui d’un scooter nerveux mais au contraire régulier, doux et rassurant. Quelques tours de pédalage aident à lancer l’engin, puis le variateur se joue facilement des quelque 2,5 ch de puissance disponibles du deux-temps de 49,9 cm3 pour emmener le cyclo avec une aisance surprenante. Pas de kit Polini, de pot détente ou de gros carburateur ici : tout est d’origine. Et pourtant. Nous l’attendions poussif, notre 103 est en réalité relativement vif !
C’est un plaisir de prendre au pied de la lettre la signification de cyclomoteur : un vélo avec un moteur, associant la facilité et la légèreté du premier au confort du second. Le freinage à tambours est plus modéré que puissant – c’est un euphémisme – mais qu’importe, la performance n’est pas de rigueur ici. Notre 103 atteint pourtant des vitesses désormais prohibées dans certaines villes. De toute façon, un tel engin lui-même n’y a plus droit de cité avec ses volutes de fumée et ses gaz d’échappement douteux. À la campagne, en revanche, il reste un moyen d’évasion simplissime, au parfum de liberté et de délicieuse nostalgie. Et comme après un morceau de Mozart le silence est toujours de Mozart, après une balade en 103, l’odeur du mélange deux-temps qui imprègne nos vêtements vintage est toujours du 103…
Peugeot 103 : une carrière sans pareil
Né en 1971, le cyclomoteur au lion a su séduire un public de jeunes, bien loin de pouvoir s’offrir une première voiture comme instrument de liberté. Un succès qui a atteint les 3 millions d’exemplaires de par le monde, dont 550 000 dès 1974, avec une production traditionnelle dans l’usine historique de la marque à Mandeure (Franche-Comté), puis sur des chaînes chinoises et marocaines jusqu’en 2017. Voilà qui en fait le deux-roues 49,9 cm3 le plus produit de l'histoire, avec des cadences allant jusqu'à 2 000 unités par jour.
On ne compte plus les différentes versions commercialisées, entre le fameux 103 SP, les versions Racing, Chopper, Chrono, SPX, Fun, Indiana, Turbo 16, RCX…
Plus sage, le Vogue d’entrée de gamme a su séduire par ses prix d’appel agressifs. Une botte secrète pour la marque, avec un nom glamour pour un modèle largement amorti, vendu ainsi en version très basique, parfois sans suspension arrière… Pourtant, un tour d’essai sur une version ainsi dépouillée et pourvue de pratiques sacoches nous a rappelé comme elle pouvait tout aussi bien remplir son office de véhicule au sens premier : amener d’un point A à un point B sans chichis, mais avec efficacité et même une dose surprenante de confort, voire d’agrément. Bon, à propos de ce dernier aspect, on peut certes fortement soupçonner l’influence de la nostalgie. Mais est-ce un mal ? Voilà un engin attachant et capable de tout. La preuve à travers le périple réalisé par deux Français aux États-Unis entre 1978 et 1979, avec 50 000 km à la clé, pour promouvoir l’engin outre-Atlantique. Cela n’a pas suffi à convertir les locaux à la « moped », mais qu’importe. C’est bien le voyage et l’expérience qu’il offre qui comptent plus que le point d’arrivée.
La fin d’une époque
Dans les années 1980, le déclin s’annonce pour le bon vieux cyclo malgré ses efforts pour devenir plus moderne, avec force démarrages au kick, allumage électronique ou refroidissement liquide. Car un phénix renaît de ses cendres à l’aube de ces années, le scooter, cette fois dans une définition moderne avec un variateur, une carrosserie plastique et un look qui donne une claque aux 103 et consorts. Peugeot lui-même est un des coupables avec son modèle SC, réalisé en collaboration avec Honda. Puis viendra le duo MBK Booster/Yamaha BW’s. Enfin, le coup de grâce arrivera en 2017 de la part de la réglementation, avec l’avènement de la norme Euro 4.
Aujourd’hui, Peugeot est sur le podium européen des deux-roues avec son Kisbee 50, mais l’avenir de ce genre d’engin est compromis. La marque française, propriété de l’indien Mahindra, propose désormais son scooter e-Ludix pour mettre un pied dans un marché électrique en pleine explosion.
L’avenir dira si une renaissance du 103 en mode zéro émission est une option, sous cette forme ou une autre. En attendant, une exposition dédiée au 103 est organisée du 22 novembre 2021 au 31 janvier 2022 au Musée de l’Aventure Peugeot, à Sochaux (Doubs). De quoi se replonger dans une jolie nostalgie.